Chirurgie des lymphoedèmes


Résumé.– La chirurgie des lymphoedèmes, grâce à la microchirurgie, permet des reconstructions
anatomiques et fonctionnelles des lymphatiques et participe donc, au même titre que la physiothérapie,
au traitement des lymphoedèmes. Les techniques de résection sont d’indications rares mais certaines,
principalement au niveau des organes génitaux externes.

Introduction
La chirurgie fait partie intégrante du traitement des lymphoedèmes [1].
Le développement des techniques microchirurgicales [7] du
lymphatique, et les limites du traitement physiothérapique ont
conduit à des indications de plus en plus nombreuses posées dans le
cadre d’équipes pluridisciplinaires [16].
Techniques chirurgicales
On distingue les techniques de résection, des techniques de
dérivation et de reconstruction.
CHIRURGIE DE RÉSECTION
Elle a été abandonnée dans sa forme traditionnelle [8], non
seulement du fait des problèmes infectieux, des problèmes
cicatriciels (rétraction, retard de cicatrisation, ulcération, etc) et
d’une hospitalisation longue, mais aussi du fait des excellents
résultats obtenus par la physiothérapie. De plus, les résections
pouvaient laisser en place un tissu lymphoedémateux au niveau
du dos du pied ou de la main qui, enclavé, devenait douloureux,
impossible à traiter. Par ailleurs, elle entraînait la résection des
quelques voies lymphatiques restantes, gênant le travail du
physiothérapeute.
Actuellement, elle porte sur certains excédents ou plis cutanés
localisés non rétractés suite à des traitements physiothérapiques
bien conduits.
Ces plis entraînent des macérations avec un risque infectieux,
gênant le bandage et la contention efficace.
La résection le plus souvent simple sans plastie est guidée par la
demande du physiothérapeute. Durant cette chirurgie, il convient
de respecter les voies lymphatiques encore fonctionnelles.
Les zones le plus souvent excisées sont la face interne du bras, les
jambes et le dos du pied.

Une forme anatomique à part est le lymphoedème des organes
génitaux externes [16].
Plusieurs raisons en font pour nous une bonne indication des
résections.
– le traitement physiothérapique n’est généralement efficace que
sur les petits lymphoedèmes ;
– le poids et le volume sont invalidants ;
– les vésicules liées au reflux (qui existent dans 10 % des cas dans
notre expérience) obligent les patients à porter une garniture.
Enfin, se posent les problèmes de miction et de sexualité :
Chez l’homme
– Au niveau du pénis : nous pratiquons une circoncision parfois
associée à une résection antérieure ou postérieure.
– En cas de lymphoedème très important une exérèse greffe (greffe
de peau semi-épaisse) est nécessaire. Des plasties en Z évitent les
brides et la rétraction.
– Au niveau du scrotum : l’excision large-suture, en repérant les
testicules et les cordons, est le geste le plus fréquent. En cas
d’hydrocèle associée, la cure chirurgicale est faite dans le même
temps.
– La présence de vésicule (moins fréquente que chez la femme)
nécessite une exérèse- greffe de peau mince ;
Chez la femme
Le geste thérapeutique est l’excision large centrée sur les vésicules
et les condylomes avec ligature des canaux lymphatiques. Cette
excision des petites ou grandes lèvres et du mont de Vénus, est
associée à une circoncision du clitoris.
Dans les deux cas, les suites opératoires sont souvent très simples.
Actuellement, le recul moyen est de 7 ans et le taux de récidive
(toujours partielle) est de moins de 10 %. Dans ces cas une
chirurgie itérative a été pratiquée.
TECHNIQUES DE DÉRIVATION
Elles ont toutes pour but de dériver l’excédent de lymphe au sein
d’une autre structure.

La plus ancienne actuellement abandonnée est le transfert à la
racine du membre lymphoedémateux du grand épiploon.
Les résultats s’épuisent dans le temps, car le réseau lymphatique
transposé se transforme en un cordon fibreux.
Deux techniques persistent : les anastomoses lymphoveineuses,
quelles que soit leurs formes anatomiques et le transfert
ganglionnaire.
_ Anastomoses lymphoveineuses
Elles dérivent la lymphe dans le réseau veineux. Elles ont été
décrites, pour la première fois, en 1977 [14]. Elles peuvent être
lymphoveineuses [6, 10], ganglionnoveineuse [4], avec ou sans
interposition d’une greffe veineuse intermédiaire [9], terminoterminale
ou termino-latérale selon les équipes.
Physiologiquement, ces anastomoses, du fait de la différence de
pression entre le lymphatique et la veine, créent une dérivation de
la lymphe vers le système veineux. Pour cela plusieurs
lymphatiques (en général plus de trois) sont ainsi dérivés.
Une lymphoscintigraphie ayant précisé en préopératoire la
présence et la topographie de ceux-ci, un échodoppler veineux a
permis le marquage précis des veines pour éviter les longues
incisions délabrantes.
Quelle que soit la technique, ces anastomoses sont très
controversées [13, 15]. En effet, une fois la pression lymphatique
diminuée, car revenue à la normale, le flux s’inverserait et le sang
coagulerait dans les canaux lymphatiques [13]. Les bons résultats
expérimentaux obtenus, le sont sur des membres non
lymphoedémateux.
Néanmoins, certaines équipes chirurgicales obtiennent de bons
résultats tant expérimentaux [12] que cliniques [4].
Nos améliorations immédiates sont satisfaisantes lorsque les
conditions techniques de réalisation des anastomoses ont été
favorables (lymphatiques nombreux de gros diamètre). Les
résultats à long terme sont plus sujets à caution, et nécessitent une
évaluation encore en cours sur des critères subjectifs et objectifs
fiables, difficiles parfois à définir et à obtenir [18].
_Transfert vascularisé de ganglion [3]
Un groupe ganglionnaire est prélevé au niveau cervical, inguinal
ou plus récemment axillaire avec ses vaisseaux (vaisseaux
circonflexes superficiels, cervicaux transverses, branche de
l’axillaire) et transféré in situ dans le lymphoedème. Parfois,
plusieurs ganglions peuvent être transférés successivement de
façon étagée dans le membre atteint. Les vaisseaux sont branchés
en termino-latéral, ou termino-terminal au niveau des vaisseaux
du bras receveur, pour permettre de garder le ganglion vascularisé
et donc viable ; la lymphe passerait au travers de la membrane
ganglionnaire, et rejoindrait les voies sanguines par l’intermédiaire
de l’anastomose veineuse du ganglion.
À la suite de travaux expérimentaux chez le rat qui démontrent
que les ganglions transférés conservent une fixation lymphoscintigraphique
[5], l’étude clinique a été entreprise.
Sur plus de 100 lymphoedèmes (secondaires principalement),
l’auteur obtient une amélioration clinique chez 70 % de ses
patients. Les résultats semblent moins bons dans le cadre des
lymphoedèmes dits primitifs. Les critères d’évaluation retenus sont
principalement cliniques subjectifs et objectifs.
TECHNIQUES DE RECONSTRUCTION LYMPHATIQUE
Elles ont pour but de reconstruire la ou les voies lymphatiques
détruites, à partir de lymphatiques autologues.

Il en existe de deux types : la greffe lymphatique et le lambeau
libre lymphatique.
_Greffe lymphatique [2]
Il s’agit d’un pontage lymphatique grâce à des greffes autologues
de canaux lymphatiques.
Ces canaux (3 le plus souvent) sont prélevés (ou déroutés) au
niveau d’une cuisse saine. Ils sont satellites de la veine saphène
interne et repérés grâce à une injection préalable de Patent Bluet.
Au niveau du membre supérieur, le pontage se fait (grâce à des
microanastomoses) entre les lymphatiques basicervicaux et les
lymphatiques du membre lymphoedémateux.
Au niveau du membre inférieur, le pontage se fait en déroutant les
trois canaux lymphatiques en sus-pubien jusqu’au creux inguinal
controlatéral où sont pratiquées les microanastomoses avec les
lymphatiques du membre atteint, juste en amont du blocage.
Sur plus de 120 cas en 10 ans, une amélioration clinique (subjective
et objective) ainsi qu’une amélioration lymphoscintigraphique est
obtenue dans 67 % des cas. Selon l’auteur aucun lymphoedème au
niveau du membre donneur n’a été noté, les patients ne portent
plus leur contention et les drainages lymphatiques sont arrêtés.
_ Lambeau libre lymphatique [16, 17, 18]
Les voies lymphatiques ainsi que des ganglions vascularisés sont
prélevés au niveau d’un creux axillaire sain ainsi que le long du
bord antérieur du muscle grand dorsal (fascia latérothoracique), et
transférés pour ponter le défect lymphatique congénital ou
thérapeutique. Ce lambeau est vascularisé par les vaisseaux
scapulaires inférieurs. Les connections lymphatiques s’établissent
spontanément en amont et en aval du blocage (des anastomoses
lymphatiques peuvent être pratiquées lorsque les conditions locales
le permettent).
Au niveau du site receveur des anastomoses vasculaires sont
effectuées pour permettre la survie de cet ensemble.
Cette transposition permet la création d’une voie lymphatique
fonctionnelle et perméable.
Une palette cutanée et musculaire adjacente au site lymphatique
prélevé est transposable en cas de besoin (sténose radique, etc).
Les séquelles fonctionnelles du site donneur sont nulles. La rançon
esthétique est faible.
Cette technique sur 95 cas en 10 ans montre une amélioration dans
65 % des cas. Cette amélioration est clinique subjective
(interrogatoire avec de multiples items), objective (mesures) et
lymphoscintigraphique (index lymphoscintigraphique et cinétique
lymphatique).
Indications 

Les indications de la chirurgie sont rares par rapport au nombre
total de lymphoedèmes traités (fig 1). Elles doivent être posées par
une équipe pluridiscipinaire, sur des lymphoedèmes résistants au
traitement physiothérapique, et de façon suffisamment précoce
pour permettre une possible réversibilité avant que la fibrose,
l’engraissement, les lymphangites aient rendu celle-ci hors
d’atteinte du traitement chirurgical.
LYMPHOEDÈMES SECONDAIRES
À notre avis, ils représentent les meilleures indications
chirurgicales :

– en cas de bride cutanée postradique ou de lésion associée
(nerveuse, vasculaire, etc) nécessitant une geste concomitant
complémentaire, et donc une couverture cutanée ou musculaire,
nous utilisons le lambeau libre lymphatique ;
– si peu d’atteinte radique et peu de sténose cutanée : greffe
lymphatique, lambeau libre lymphatique ou, pour d’autres
équipes, transfert ganglionnaire ou anastomose lymphoveineuse.
LYMPHOEDÈMES DITS PRIMITIFS
Les indications de la chirurgie sont rares et posées au cas par cas.
Le choix de la technique se fait sur la lymphoscintigraphie :
– voies lymphatiques restantes : dérivation ou reconstruction en
cas de blocage ;
– voies lymphatiques sous-cutanées : pas de possibilités
chirurgicales.

À part l’aplasie segmentaire des membres ou aplasie du canal
thoracique, dans ces rares cas nous avons pratiqué avec de bons
résultats une greffe lymphatique.
Pour l’ensemble des lymphoedèmes, la séquence de traitement la
plus efficace entre la chirurgie et la physiothérapie, ainsi que le
moment de cette chirurgie, est fonction de chaque équipe traitante.
Elle est fondée sur des critères cliniques subjectifs (vécu du patient)
et objectifs (évolution des mesures, nombre de lymphangites) et
sur des critères lymphoscintigraphiques (disparition des
lymphocentres, augmentation du blocage).
Chirurgie préventive
Elle comporte deux volets expérimentaux et cliniques :
– agressivité moindre des techniques radiochirurgicales, tout en
conservant la même survie à long terme ;
– modification (avec la même efficacité) de la technique des
curages pour limiter les risques de lymphoedème postopératoire.
La microchirurgie de dérivation pratiquée dans le même temps
opératoire que la chirurgie d’exérèse fait encore l’objet de
protocoles expérimentaux et d’évaluation à court et long termes.
Conclusion
Longtemps décriée, la chirurgie des lymphoedèmes fait partie du
traitement des lymphoedèmes.
Cette chirurgie, qui nécessite un matériel et une maîtrise des
techniques microchirurgicales, a des indications qui seront posées au
sein d’une équipe multidisciplinaire médicochirurgicale.

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Patrick Trevidic : Chirurgien plasticien, 6, rue de Sontay, 75116 Paris, France. d’une autre structure.
© Elsevier, Paris Encyclopédie Médico-Chirurgicale 19-4040
19-4040
Toute référence à cet article doit porter la mention : P Trevidic. Chirurgie des lymphoedèmes. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Angéiologie, 19-4040, 1997, 3 p.