Résumé.– Le sport, ou tout autre activité physique, trouve son intérêt dans l’entretien et l’amélioration
du statut musculaire, articulaire, proprioceptif et de la tolérance à l’effort chez des personnes souffrant
de problèmes vasculaires (artériels ou veineux).
Toutefois, il est nécessaire chez ces sujets souvent fragiles d’effectuer une évaluation soigneuse des
capacités avant de s’investir dans une activité physique. Un certain nombre de sports semblent indiqués
et leur choix se fera à l’échelon individuel.
introduction
À une époque où le vieillissement de la population devient un
problème économique et de santé publique, les pratiques de santé qui
peuvent offrir la possibilité de ralentir les conséquences de l’âge ou
de certains phénomènes pathologiques sont attractives.
Le sport est un phénomène de société qui conduit de nombreuses
personnes à désirer pratiquer puis à pratiquer un certain nombre
d’activités physiques.
Au-delà du phénomène de mode, le sport ou tout autre activité
physique trouve son intérêt dans l’entretien et l’amélioration du
statut musculaire, articulaire, proprioceptif et de la tolérance à l’effort
chez des personnes souffrant de problèmes vasculaires (artériels ou
veineux) [13, 14, 15, 18].
Cependant, il convient d’adopter une attitude différenciée, en fonction
de chaque cas, afin de déterminer si une activité physique libre est
possible et dans quelle mesure elle peut être effectuée.
En cas de pathologie artérielle
L’artériopathie des membres inférieurs est une affection vasculaire
touchant surtout le sujet adulte d’âge mûr. C’est une affection
évolutive et handicapante par la menace qu’elle exerce sur
l’autonomie fonctionnelle de l’individu. L’incidence est de 0,5 %
avant la cinquième décennie et de 4 % à la sixième décennie, alors
que la prévalence élevée est estimée à 2,5 % [8].
Très rarement, elle peut atteindre le sujet jeune dans le cadre d’une
thromboangéite oblitérante type Buerger (entre 20 et 30 ans), ou
dans le cadre d’un athérome juvénile (à partir de 35 ans).
PHYSIOPATHOLOGIE
Les lésions artérielles obstructives à l’origine des artériopathies
chroniques des membres touchent préférentiellement un secteur
vasculaire : vaisseau de gros calibre (artériosclérose, etc), de moyen
calibre (hypertension artérielle, etc), lit artériolocapillaire distal
(diabète, etc).
Le respect relatif de certains territoires offre des possibilités
fonctionnelles diverses de compensation. Ces obstructions ont pour
conséquence commune la diminution des échanges au niveau des
muscles sous-jacents, et pour expression l’ischémie
particulièrement aggravée par l’effort. Toute activité physique a
pour but d’améliorer les différents paramètres concourant à
l’oxygénation musculaire afin d’en augmenter le rendement.
Deux tissus, par le biais de leur circulation locale, constituent les
utilisateurs presque exclusifs de l’apport sanguin des membres
inférieurs : tout d’abord, le tissu musculaire qui doit faire face à
l’accroissement considérable des besoins en oxygène lors de
l’activité physique et doit permettre l’utilisation convenable de
celui-ci ; ensuite, le tissu cutané participant à la thermorégulation
qui doit entraîner l’évacuation de la chaleur générée par le tissu
sous-jacent [6].
BUT DE L’ACTIVITÉ PHYSIQUE
_ Action vasculaire
Utilisation de la circulation collatérale
L’importante vasodilatation musculaire survenant à l’effort peut
être mise à profit pour établir des voies de circulation collatérales
assurant la reperméabilisation des muscles situés en aval de
l’obstruction en faisant travailler :
– les muscles situés au niveau de l’obstruction à travers lesquels
s’établit la circulation de suppléance (utilisation de voies existantes,
mais non fonctionnelles, au repos) ;
– les muscles du territoire ischémique dont la vasodilatation
d’effort permet l’abaissement des résistances périphériques, et donc
une meilleure perfusion.
Gilles Kémoun
La mise en activité de ces deux secteurs permet, en outre, de
réduire le travail habituellement trop important des muscles susjacents
à l’obstruction qui, en détournant à leur profit une certaine
masse sanguine normalement destinée au secteur sous-jacent, en
diminuent le débit de perfusion et aggravent l’ischémie.
Amélioration de la capacité d’utilisation de l’oxygène
– Développement d’un réseau capillaire augmentant la surface
d’échange.
– Augmentation du système mitochondrial et des activités
enzymatiques facilitant l’extraction de l’oxygène.
Amélioration de la circulation veineuse du retour
La marche augmente à la fois le débit musculaire périphérique et
le débit cardiaque, l’exercice renforçant la pompe musculaire.
La pompe abdominale peut être facilitée par des exercices
respiratoires qui ont, en plus, le double avantage d’améliorer
l’hématose et de chasser la masse sanguine viscérale vers les
territoires musculaires.
_ Action biomécanique
Toute modification de la biomécanique de marche engendre un
surcoût énergétique. L’activité physique vise donc a rétablir une
marche physiologique permettant une dépense en oxygène
minimale. De façon plus globale, le pratiquant doit acquérir une
meilleur économie de sa gestion énergétique.
_Action générale
Il est maintenant reconnu que l’activité physique est bénéfique sur
le plan métabolique et microcirculatoire, mais intervient aussi sur
les autres facteurs de risques cardiovasculaires. Un entraînement
adapté permet en effet un meilleur contrôle du profil tensionnel,
un meilleur équilibre du diabète, et une amélioration considérable
des anomalies du bilan lipidique. Par ailleurs, elle représente un
élément clé dans le contrôle de la surcharge pondérale et a un effet
positif sur la viscosité sanguine [4]. Enfin, la pratique régulière
d’une activité physique accroît considérablement l’efficacité du
système respiratoire.
_ Cas particulier des artérites juvéniles
Chez le sujet jeune aussi, ce sont le niveau lésionnel et le niveau
d’atteinte fonctionnelle qui orienteront le choix de l’activité
physique selon les principes déjà décrits (cf supra).
Toutefois, il existe un enjeu supplémentaire dans la gestion des
facteurs de risque. En effet, dans la thromboangéite de Buerger, où
il existe peut être un mécanisme de type immunoallergique
responsable d’une sensibilité anormale au tabac, l’activité physique
représente une aide non négligeable au sevrage tabagique.
PRINCIPES DE BASE [3, 6, 11]
En cas d’artériopathie des membres inférieurs, toute activité
physique doit permettre d’associer :
– un travail fonctionnel segmentaire, qui a pour but de faire
travailler les muscles striés au-dessous de l’oblitération, sans aller
jusqu’aux manifestations ischémiques, afin de développer la
circulation capillaire et l’orientation des fibres musculaires vers
l’équipement oxydatif [23] ;
– un travail fonctionnel régional non spécifique, qui est représenté
le plus simplement par la marche mais aussi par tous les types de
déplacement intéressants les membres inf
– un travail fonctionnel global qui permettra d’améliorer le statut
musculaire général, la coordination gestuelle, et surtout la tolérance
à l’effort par l’intermédiaire d’activités aérobies.
ÉVALUATION [17]
Les personnes artéritiques représentent une population à risque
sur le plan médical, on ne discute plus la nécessité d’une
évaluation précise vue l’incidence des pathologies et la variabilité
interindividuelle des capacités. Il existe, en particulier, des lésions
coronariennes significatives chez 50 à 60 % des sujets porteurs
d’artérites symptomatiques [4].
À cause de la grande fréquence des problèmes cardiaques, une
évaluation poussée du système cardiovasculaire est un prérequis à
l’autorisation de pratique d’une activité physique [7, 20].
Quelles que soient les modalités techniques, l’épreuve d’effort
couplée au calcul de la consommation d’oxygène, associée ou non
à des épreuves fonctionnelles respiratoires, permet d’une part de
détecter le risque cardiorespiratoire à l’effort mais aussi de préciser
l’intensité de l’effort que chaque personne doit adopter dans son
activité physique.
EN FONCTION DES STADES DE LERICHE ET FONTAINE
_ Stades 1 et 2 : faible
(périmètre de marche supérieur à 500 m) [3]
La quasi-absence de limitation du périmètre de marche donne un
choix assez varié d’activités physiques :
– la marche, dans toutes ses modalités possibles (marche rapide,
randonnée en moyenne montagne, jogging sur terrain souple, etc) ;
– la gymnastique au sens large du terme qui peut aller de l’activité
de gymnastique volontaire classique jusqu’à une gymnastique
incluant un travail aérobie réglé, en passant par l’« aquagym » et
la gymnastique chinoise ;
– la natation qui représente un bon entraînement dans une eau
qui doit être suffisamment chaude ;
– le cyclisme apparaît un sport efficace et facile à mettre en oeuvre.
Il permet un travail fonctionnel régional moins coûteux que la
marche et réalise un entraînement aérobie conséquent et
quantifiable ;
– le ski de fond constitue une variante de la marche et permet, lui
aussi, un entraînement aérobie conséquent ;
– les jeux de balle, tennis de table et badminton représentent une
activité attrayante et réalisent un travail proprioceptif important
par tous les changements d’appui qu’ils requièrent ;
– les jeux de ballon peuvent être intéressants si l’intensité peut être
réglée, l’émulation intervenant entre les participants, pouvant en
revanche conduire à des charges trop importantes ;
– l’aviron.
_Stade 2 : moyen ou fort
Dans ce cas, la limitation du périmètre de marche et la survenue
plus ou moins rapide d’une claudication intermittente douloureuse
va limiter l’accès à certains sports. Bien souvent, le contexte
médical détermine des patients à risques cardiovasculaires
conséquents, et la reprise d’une activité physique se fera sous
surveillance médicale, autant que faire ce peu dans le cadre de
sessions de réentraînement à l’effort en milieu de rééducation. Par
la suite, en fonction des progrès fonctionnels réalisés et de la
stabilité médicale, on pourra envisager la pratique d’une activité
simple qui peut associer de la marche, de la gymnastique classique,
de l’« aquagym ».
_Stade 3
À ce niveau de douleurs au repos, l’activité physique est le plus
souvent impossible. On peut, toutefois, envisager à ce stade
préchirurgical un séjour préparatoire en milieu de rééducation qui
permettra, par un travail non spécifique respiratoire et musculaire,
d’améliorer le résultat fonctionnel postopératoire.
_Stade 4
À ce stade de trouble trophique, on ne peut évidemment pas
proposer de pratiques sportives. Le plus souvent, le contexte
médical, en particulier cardiovasculaire du patient ne permettra
pas d’envisager autre chose que les activités de vie quotidienne.
En cas d’ischémie aiguë évoluant en dehors de toute maladie
vasculaire au long cours, la reprise d’une activité physique après
amputation relève des activités physiques adaptées de type
« Handisport ».
CONTRE-INDICATIONS
_ En fonction de l’état vasculaire
Tous les sports dont une des composantes augmente l’ischémie
locale au niveau sous-lésionnel sont évidemment contre-indiqués.
Le travail isométrique est réputé peu souhaitable dans la mesure
où il suscite une élévation importante de la pression
intramusculaire, générant un véritable garrot interne. Les activités
concernées sont l’haltérophilie, le judo, la musculation où les
efforts se font souvent à glotte fermée. Bien souvent elles entraînent
également une diminution du retour veineux. Par ailleurs, les
sports sur sol dur sont également contre-indiqués (course sur route,
tennis sur quick, etc), en raison des microtraumatismes vasculaires
qu’ils peuvent entraîner.
_En fonction du contexte médical [16, 22]
Les sports de compétition sont à proscrire dans les disciplines où il
est difficile de conserver le niveau d’effort à un seuil tolérable.
On retiendra également toutes les contre-indications cardiaques à
l’exercice chez des patients présentant souvent des pathologies
intriquées (péricardite ou myocardite, angor instable, arythmie
ventriculaire non contrôlée, sténose aortique sévère, hypertension
artérielle maligne, insuffisance cardiaque congestive
symptomatique, bloc auriculoventriculaire du 3e degré non traité,
thrombophlébite récente, embolie pulmonaire récente, etc).
Toute atteinte neurologique ou de l’appareil locomoteur devra
conduire à adapter spécifiquement la pratique sportive, et à
proscrire toute activité pouvant aggraver la pathologie.
Enfin, toute maladie systémique aiguë doit conduire à arrêter la
pratique sportive.
En cas de pathologie veineuse
L’insuffisance veineuse chronique résulte d’un dysfonctionnement
veineux congénital, ou acquis, atteignant le réseau superficiel et/ou
le réseau profond causé par une incompétence valvulaire associée
ou non à un syndrome obstructif. Cette insuffisance veineuse
chronique peut se manifester par une gêne (syndrome des jambes
lourdes), une douleur, des varices, un oedème de la cheville ou de
la jambe, une pigmentation, une ulcération cutanée, etc [21].
OBJECTIFS DE L’ACTIVITÉ PHYSIQUE
L’objectif principal est d’obtenir la diminution de l’hyperpression
veineuse globale ou locale en rompant le cercle vicieux
macrocirculatoire dont les composantes sont l’hyperdistensibilité,
l’hyperpression, l’insuffisance valvulaire, le reflux et la stase [1].
PRINCIPES D’UNE ACTIVITÉ PHYSIQUE
_ Améliorer la circulation de retour
– En permettant une activité musculaire dynamique au niveau des
membres inférieurs.
– En permettant le fonctionnement du couple diaphragme-sangle
abdominale.
En effet, la circulation veineuse se fait par l’intermédiaire de la
contraction musculaire dont le rôle est essentiel en position debout,
constituant une véritable pompe aspirante et refoulante. Le coeur a
également une action aspirante et propulsive. Par ailleurs,
l’appareil respiratoire permet par les variations de pressions qu’il
induit d’accroître ce phénomène de pompe. Enfin, l’action des
battements artériels exerce une pression rythmée sur la veine
profonde satellite, favorisant le flux veineux.
_ Éviter l’aggravation de l’insuffisance veineuse
– En supprimant les périodes de station debout immobiles
prolongées.
– En prescrivant une contention élastique pour la vie quotidienne,
et si possible à l’occasion de la pratique sportive.
En effet, en orthostatisme, le facteur essentiel de la circulation
veineuse est la contraction musculaire dont l’efficacité dépend de
l’intégrité des valvules. La simple station debout immobile est
extrêmement nocive pour le retour veineux, car elle entraîne une
augmentation de la distensibilité veineuse, qui peut elle-même être
aggravée par la chaleur [2, 10, 19].
ÉVALUATIONS
L’examen clinique relèvera, d’une part les données spécifiques liées
à la maladie veineuse et à ses conséquences directes, mais d’autre
part ne manquera pas de mettre en évidence d’autres éléments
d’ordre orthopédique (en détectant en particulier des anomalies de
l’appui plantaire), d’ordre rhumatologique ou neurologique
surajoutés.
Étant donnée la complexité des perturbations de l’hémodynamique
veineuse et du caractère longtemps asymptomatique de certaines
lésions, l’examen clinique pourra être complété d’examens
complémentaires, et en particulier d’un échodoppler qui permet
de mettre en évidence l’existence d’incontinences ostiales,
saphéniennes ou bien de perforantes, les reflux profonds primitifs
par dysgénésie valvulaire ou secondaire à distance d’une
thrombose. Ils représentent un élément déterminant du diagnostic
différentiel en permettant d’éliminer les causes de compression
veineuse extrinsèques [5]. Enfin, il permet d’établir une stratégie
thérapeutique incluant les techniques physiques, chirurgicales et
médicamenteuses.
EN PRATIQU
_Sports indiqués
Ces sports représentent un bon compromis des principes à
respecter en cas de pathologie veineuse :
Angéiologie Activité physique en pathologie vasculaire
– randonnée pédestre (on pourra conseiller d’adjoindre une
contention de façon systématique en cas de dévalvulation) ;
– danse ;
– cyclisme ;
– escalade ;
– golf (on pourra conseiller une contention permanente en cas de
dévalvulation, pour ce sport qui alterne phases statiques et phases
dynamiques) ;
– gymnastique ;
– natation et plongée ;
– aviron.
_ Sports contre-indiqués ou nécessitant
une surveillance particulière
L’haltérophilie, la musculation et certains sports de combat
représentent des efforts effectués avec glotte fermée, qui freinent la
circulation de retour.
La pratique de certains sports sur sol dur (marathon, tennis, basket,
volley, etc), chez l’insuffisant veineux avec altération majeure de la
mécanique valvulomusculaire, peut entraîner des augmentations
brutales de pression qui correspondent à des microtraumatismes
vasculaires participant à l’aggravation des varices. On conseillera
donc de préférer les sols souples pour la pratique de ces sports,
ainsi qu’un chaussage approprié.
La chaleur peut également constituer un facteur aggravant majeur,
que ce soit par l’intermédiaire de l’environnement thermique
ambiant ou que ce soit par le port de vêtements épais et serrés
(escrime, équitation, hockey sur glace) [9].
Enfin, les plaies veineuses internes par traumatismes directs
s’observent dans les sports violents (football, judo, rugby, hockey).
Conclusion
Les activités physiques et sportives prennent une place grandissante
dans les stratégies de prise en charge en pathologie vasculaire. En
cas d’artériopathie des membres inférieurs, elles permettent
d’améliorer le niveau fonctionnel ainsi que les composantes
histochimiques microcirculatoires. Cependant, le contexte
pathologique doit conduire à une adaptation de ces activités de façon
individualisée. En ce qui concerne la pathologie veineuse, il semble
également qu’une activité physique adaptée trouve tout son intérêt,
même si l’on manque de bases scientifiques. Enfin, bien souvent les
pathologies artérielle et veineuse sont souvent intriquées, et l’on
devra tenir compte de l’ensemble des données pour permettre au
patient de choisir l’activité physique dans laquelle il a envie de
s’investir.
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