Résumé.– La recherche d’une cause cardiaque potentiellement emboligène doit être systématique
devant tout accident embolique. Une origine cardiaque est retrouvée dans la grande majorité des cas
lors des embolies des membres et lors de 15 à 20 % des accidents cérébraux. Un interrogatoire et un
examen attentif permettent le plus souvent une orientation. L’échographie transthoracique et
transoesophagienne, le holter électrocardiogramme (ECG) sont les examens clés de l’enquête
étiologique. Malgré ces investigations, 5 à 10 % des accidents emboliques restent inexpliqués.
Introduction
La recherche d’une source cardiaque potentiellement emboligène doit
être systématique devant tout accident embolique périphérique et/ou
cérébral. Le territoire de l’embolie, son caractère récidivant et /ou
multiple peuvent être des éléments d’orientation. L’échocardiographie
transoesophagienne a transformé l’approche diagnostique de ces
accidents [1, 14], permettant de découvrir une source possible d’embolie
dans 57 % des cas contre 15 % en échocardiographie transthoracique
[13]. Néanmoins, cet examen ne saurait se substituer à
l’échographie transthoracique qui est complémentaire et doit être
effectuée de première intention, en particulier pour visualiser l’apex
du ventricule gauche.
La majorité des embolies d’origine cardiaque proviennent des cavités
gauches (90 %) et sont de type cruorique. Les embolies cardiaques
sont à l’origine de 80 à 90 % des embolies artérielles des membres [2]
et de 15 à 20 % des embolies cérébrales [11]. En dehors des causes
classiques que sont les troubles du rythme, les valvulopathies,
l’infarctus, la présence d’échos de contraste spontanés dans l’oreillette
gauche représente un risque emboligène [1, 13], de même qu’un
anévrysme auriculaire septal, un foramen ovale perméable [13], un
thrombus ou une tumeur de l’oreillette gauche [1, 13].
Malgré l’échocardiographie transoesophagienne, 5 à 10%des accidents
emboliques restent inexpliqués [3, 13].
Embolies cardiaques cruoriques [2, 4, 11]
TROUBLES DU RYTHME
Actuellement, les embolies cardiaques cruoriques sont, dans la
majorité des cas, secondaires à un trouble du rythme, en particulier
supraventriculaire. Le trouble du rythme peut être permanent ou
paroxystique, avec un risque majeur au moment du changement
de rythme que celui-çi soit spontané ou provoqué, et ce sans
anticoagulation efficace.
Une arythmie complète par fibrillation auriculaire (AC/FA)
permanente ou paroxystique, quelle que soit son origine, est
souvent en cause. Elle intervient probablement par stase sanguine
au niveau d’une oreillette gauche plus ou moins dilatée, associée
dans certains cas à une diminution du débit cérébral. La présence
d’une AC/FA multiplie le risque d’accident cérébral par un facteur
de 1,8 à 7,5, majoritairement cortical [9]. Le risque est d’autant plus
grand qu’il existe, en échocardiographie transoesophagienne, un
contraste spontané dans l’oreillette ou l’auricule gauche et/ou une
dilatation auriculaire [14] et une valvulopathie rhumatismale sousjacente
[9]. La mortalité est de 20 % et les risques de récidive
spontanée, dans les 30 premiers jours, sont de 8 à 15%. Il est donc
impératif de rechercher parallèlement une cause au trouble du
rythme. Sa présence intervient directement lors de la prise en
charge thérapeutique ultérieure. Les valvulopathies mitrales, les
cardiopathies ischémiques et hypertensives, les myocardiopathies
et les péricardites peuvent se compliquer d’arythmie. Une
hyperthyroïdie est à rechercher systématiquement, car elle se
complique d’accidents emboliques dans 10 à 20 % des cas [9]. Le
bilan comprendra, en dehors de l’interrogatoire et de l’examen
clinique complet, une échocardiographie transthoracique et
transoesophagienne [9], complétés par un holter ECG sur 24 heures,
lorsque l’on suspecte un trouble paroxystique. Dans de nombreux
cas, aucune cause n’est retrouvée et la fibrillation auriculaire est
dite idiopathique. Le risque embolique d’une AC/FA chronique
est de 16,2 % [9] avec un risque de récidive de 5 %/an.
Le flutter auriculaire est moins fréquemment à l’origine d’accidents
emboliques. Cela est encore plus exceptionnel avec troubles du
rythme ventriculaire.
La phase de réduction de l’arythmie, qu’elle soit médicamenteuse
ou par choc électrique externe, est hautement emboligène. Cela
justifie la réalisation d’une échocardiographie. Tous les patients
doivent être parfaitement anticoagulés, durant et au décours de la
phase de réduction, les embolies de régularisation survenant
essentiellement dans les 8 premiers jours chez des patients mal
anticoagulés.
VALVULOPATHIES
_Rétrécissement mitral
Le rétrécissement mitral représente la valvulopathie la plus
emboligène, et ce en dehors de tout trouble du rythme. Une
complication embolique émaille son évolution dans 10 à 20 % des
cas. Ces embolies sont multiples, répétitives et peuvent siéger sur
n’importe quel territoire. Les plus fréquentes et les plus graves sont
les embolies cérébrales, en particulier sylviennes, avec un risque
majeur de récidive. Le risque est d’autant plus grand qu’il existe
des échos de contraste spontanés dans l’oreillette gauche [7].
_Prolapsus valvulaire mitral
Le prolapsus valvulaire mitral semble s’associer à une fréquence
accrue d’accident embolique, en particulier d’accident ischémique
transitoire, d’infarctus cérébral, d’amaurose, d’occlusion de l’artère
centrale de la rétine semble-t-il par hyperactivité plaquettaire. La
rupture de continuité endothéliale favorise l’agrégation
plaquettaire, la formation du complexe fibrine-thrombine. À tout
cela s’associe des arythmies paroxystiques plus fréquentes. De ce
fait, des prescriptions empiriques d’aspirine ont été proposées [4].
THROMBOSES SUR PROTHÈSE VALVULAIRE [2, 4, 11]
Les thromboses sur prothèse valvulaire surviennent chez 5 à 25%
des patients, à l’origine d’accidents emboliques dans à 1 à 4% par
an. Cette fréquence varie en fonction des séries, du recul, du type
de prothèse, mais aussi en fonction de la position de la prothèse.
En effet, les embolies s’observent plus fréquemment lorsque les
prothèses sont en position mitrale par rapport à la position
aortique, surtout s’il s’y associe une AC/FA. Les embolies sont
nettement plus fréquentes dans le territoire cérébral. Les accidents
emboliques sont moins fréquents avec les bioprothèses. Ainsi,
certains auteurs proposent pour tenter de réduire le risque
embolique, d’associer au traitement anticoagulant, de l’acide
salicylique à dose faible (100 mg/j) [15].
BOURRELETS VALVULAIRES
Les bourrelets valvulaires définis par une expansion tissulaire fine
très mobile peuvent s’observer sur des valves natives et des
prothèses valvulaires. Leur présence est un facteur emboligène [17].
INFARCTUS DU MYOCARDE
L’infarctus du myocarde à sa phase initiale est à haut risque
d’accidents emboliques qui surviennent chez 2 à 4 % des
patients [4, 12]. Plus de 50 % d’entre eux sont diagnostiqués durant
les 5 premiers jours. Les études autopsiques montrent la présence
d’un thrombus mural dans 44 % des cas, essentiellement au niveau
de la pointe du ventricule gauche. En cas d’infarctus septal, le
thrombus peut siéger au niveau des deux ventricules. Un accident
embolique est noté chez 10 % des patients décédés d’infarctus,
localisé dans 50 % des cas au niveau de l’encéphale. Les autres
localisations fréquentes sont les reins, la rate, la bifurcation aortoiliaque
et l’artère fémorale. La présence d’un thrombus est corrélée
à l’étendue de la nécrose myocardique et sa localisation antérieure ;
elle est très rare en revanche lors des nécroses inférieures. Les
facteurs prédictifs d’accidents emboliques cérébraux sont à la
phase initiale, un infarctus antérieur, des antécédents d’accident
cérébral, une fibrillation auriculaire chronique, une fibrillation
auriculaire contemporaine de l’infarctus, une surélévation de ST
supérieure à 2,4 et une hypertension artérielle [12]. À la phase
tardive, les accidents emboliques sont corrélés avec la présence
d’un anévrysme ventriculaire ou d’un pseudoanévrysme. Celui-ci
s’accompagne d’un accident embolique dans 38 % des cas.
CARDIOPATHIES CONGÉNITALES
_ Chez l’enfant
Les cardiopathies cyanogènes sévères chez l’enfant de moins de 2
ans peuvent être à l’origine d’accident vasculaire cérébral. Un
accident paradoxal, à partir de la circulation cave, peut s’observer
au cours de tous les shunts droite-gauche, lors de la persistance du
canal artériel et en présence d’un foramen ovale perméable.
_Chez l’adulte
Une perméabilité du foramen ovale souvent associée à un
anévrysme du septum auriculaire devra être recherchée
systématiquement chez l’adulte, en l’absence d’autres causes par
une échographie cardiaque de contraste. Les fréquences de ces
malformations sont dans la population générale respectivement de
27 à 35 % des cas et de 1 % des cas. Une embolie paradoxale à
partir d’une thrombose veineuse de membre inférieur doit être
suspectée s’il existe un foramen ovale ou une communication
interauriculaire avec shunt droite-gauche [13] et ce, à l’occasion
d’une élévation des pressions dans la cavité droite. La recherche
d’une phlébite par échodoppler des membres inférieurs (voire une
phlébographie), d’une embolie pulmonaire par scintigraphie
pulmonaire de ventilation-perfusion est nécessaire.
EMBOLIES DE L’ENDOCARDITE INFECTIEUSE [2, 4, 11]
L’endocardite infectieuse se complique d’embolies artérielles dans
15 à 20 % des cas, pourcentage nettement inférieur à celui observé
lorsqu’il n’existait pas d’antibiotiques (70 à 97 % !). Les risques sont
inférieurs lorsqu’il s’agit de formes subaiguës (embolie clinique
dans 6 à 35% des cas), alors qu’elle est présente dans 60 % des cas
des formes aiguës [16]. Tous les organes peuvent être intéressés. Les
localisations emboliques préférentielles sont les reins (56 %), la rate
(44 %), le cerveau (33 %), en particulier au niveau de l’artère
cérébrale moyenne et de ses branches. Les occlusions des grosses
artères sont rares, sauf s’il s’agit d’endocardites fungiques ou à
Staphylococcus aureus.
Du fait de la lenteur de recouvrement des végétations par
l’endothélium (6 mois), les accidents emboliques peuvent survenir
des semaines, voire des mois après l’éradication du processus
infectieux, avec un risque tardif de 5 %.
CARDIOMYOPATHIES [9]
_ Cardiomyopathies dilatées [4]
Toutes les cardiomyopathies dilatées, quelle que soit leur cause,
peuvent se compliquer d’accident embolique. Ce risque augmente
parallèlement à l’aggravation de la dysfonction ventriculaire
gauche, particulièrement si le malade est en AC/FA [4]. Le
diagnostic est facile et repose sur l’échocardiographie.
_Cardiomyopathies du post-partum
ou syndrome de Meadows
Cette cardiomyopathie rare, sous nos climats, est à sa phase aiguë
à haut risque emboligène, un accident étant observé dans plus de
20 % des cas. Cela justifie un traitement anticoagulant
systématique [10].
FIBROSES ENDOMYOCARDIQUES
Les fibroses endomyocardiques sont rares et relèvent de causes
variées. Le risque de thrombus intra-auriculaire et
intraventriculaire est élevé, surtout s’il s’y associe une
hyperéosinophilie [5].
THROMBUS INTRACAVITAIRE
Un thrombus intracavitaire est rarement isolé et survient dans un
contexte particulier : AC/FA, rétrécissement mitral, chez des
porteurs de prothèse valvulaire, en cas de dysfonctionnement
sévère du ventricule gauche et lors de dilatation de l’oreillette
gauche.
ÉCHOS SPONTANÉS INTRACAVITAIRES
La présence d’échos spontanés intracavitaires associés à l’AC/FA,
le rétrécissement mitral, une prothèse valvulaire, un
dysfonctionnement ventriculaire gauche augmentent chacun
significativement le risque d’accidents emboliques [4].
Embolies tissulaires [2]
Les embolies tissulaires sont beaucoup plus rarement en cause :
– myxome : tumeur bénigne de l’oreillette essentiellement gauche,
a un risque embolique élevé (30 à 50 % des cas
– végétations marastiques des néoplasies observées dans 0,5 à 1 %
des cas ;
– embolies calcaires du rétrécissement aortique calcifié, toujours
gravissime au niveau cérébral. Ce risque est majoré lors des
cathétérisme et valvuloplastie ;
– calcifications de l’anneau mitral : cette cause n’est pas encore
formellement reconnue.
Leur diagnostic repose sur le contexte clinique et
l’échocardiographie.
Conclusion
Malgré des investigations bien conduites, il est, dans 5 à 10% des
cas, impossible de connaître la source de l’embolie. À l’inverse
parfois, chez un même patient, coexistent plusieurs pathologies
emboligènes comme une prothèse valvulaire cardiaque, une AC/FA,
et une anticoagulation inefficace.
Actuellement est en cours d’évaluation le doppler transcrânien qui,
en révélant la présence de HITS (échos emboliques unidirectionnels
transitoires observés au niveau des artères cérébrales) permettrait
peut être de définir des patients à haut ou bas risque [15].
La prévention repose sur une anticoagulation efficace et/ou un
traitement antiagrégant plaquettaire.
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Catherine Chapelon-Abric : Praticien hospitalier, service du Professeur Piette, centre hospitalier
universitaire (CHU) Pitié- Salpêtrière, 47-83 boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.
© Elsevier, Paris Encyclopédie Médico-Chirurgicale 19-0630
19-0630
Toute référence à cet article doit porter la mention : C Chapelon-Abric. Causes cardiaques des embolies. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Angéiologie, 19-0630, 1997, 3 p.
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