Abords vasculaires pour hémodialyse


Résumé.– Les fistules et les pontages artérioveineux pour hémodialyse nécessitent des investigations
cliniques rigoureuses et une technique microchirurgicale irréprochable, particulièrement chez l’enfant ;
les complications dominées par la sténose sont actuellement une indication de choix de la radiologie
interventionnelle.

Introduction
Les abords vasculaires artérioveineux, dominés par la fistule simple,
sont utilisés de préférence aux cathéters veineux centraux, pour
l’hémodialyse mais aussi dans beaucoup d’autres situations
pathologiques nécessitant un accès vasculaire aisé et durable,
notamment chez l’enfant.

Fistules artérioveineuses
FISTULE ARTÉRIOVEINEUSE RADIALE
La fistule artérioveineuse thérapeutique a été décrite par Brescia et
Cimino en 1966. Une communication entre la veine radiale
superficielle et l’artère radiale est créée au poignet.
L’état préopératoire de ces deux vaisseaux a été précisé par :
– l’examen clinique qui permet de vérifier le pouls radial,
d’apprécier l’état de la veine radiale superficielle sous garrot à
condition que le pannicule adipeux sous-cutané ne soit pas trop
important ;
– l’échodoppler ;
– la radiographie sans préparation des deux avant-bras qui permet
de déceler éventuellement des calcifications artérielles,
particulièrement chez le patient diabétique ;
– la phlébographie à l’iode, qui est l’examen de référence. Elle
permet d’apprécier le calibre et la distensibilité de la veine sur tout
son trajet à l’avant-bras, mais aussi son drainage proximal jusqu’à
l’oreillette droite ; elle est contre-indiquée chez les patients qui
n’ont pas encore démarré la dialyse en raison de la toxicité rénale
de l’iode, ainsi qu’en cas d’allergie à l’iode ; dans ces cas, elle peut,
depuis peu, être remplacée par la phlébographie au CO2 (A
Raynaud).

L’anastomose est le plus souvent latérale sur l’artère et terminale
sur la veine. Elle est volontiers effectuée sous anesthésie régionale.
L’utilisation d’une hémostase prophylactique par garrot
pneumatique et bande d’Esmarch est recommandée, ainsi que
l’utilisation du microscope opératoire, absolument indispensable
chez l’enfant, ou de lunettes grossissantes. Bien sûr, des
instruments et des fils de suture de microchirurgie sont utilisés.
Le développement de la fistule va se faire au cours des 3 ou 4
semaines postopératoires chez l’adulte : la veine va se dilater
suffisamment pour devenir aisément ponctionnable sans risque de
ponctions transfixiantes, source d’hématomes et de sténoses
veineuses ; son débit va augmenter dans des proportions
considérables ; l’hémodialyse, en règle par double ponction de la
veine, sera généralement faite à 300 mL/min. Chez l’enfant cette
maturation de la veine peut être beaucoup plus lente et il est
recommandé de créer sa fistule 3 à 6 mois avant le début présumé
de l’hémodialyse.
Parfois le développement de la fistule se fait attendre ; un délai
supplémentaire peut suffire, mais une réfection chirurgicale d’une
nouvelle anastomose sus-jacente à l’initiale peut être nécessaire. Il
est des cas où l’on devra changer de site, c’est-à-dire créer une
fistule au poignet opposé, voire une fistule plus proximale.
AUTRES FISTULES
– La fistule cubitale, entre la veine cubitale superficielle, ou veine
basilique, et l’artère cubitale au poignet ; ces vaisseaux sont de
taille plus petite que les vaisseaux radiaux si bien que le
microscope opératoire est particulièrement utile.
– La fistule céphalique, entre la veine céphalique et l’artère
humérale, au coude.
– La fistule basilique, entre la veine basilique et l’artère humérale,
au coude, qui nécessite toujours une superficialisation chirurgicale
de cette veine profonde, souvent faite dans un deuxième temps
opératoire.
– Les fistules à la cuisse, fistule saphène interne rare, fistule
fémorale avec superficialisation de la veine fémorale,
exceptionnelle.
ÉVOLUTION - COMPLICATIONS

L’évolution des fistules au fil des années de dialyse est assez
variable. Si une fistule radiale au poignet, créée assez tôt avant le
début de l’hémodialyse chez un patient dont le capital veineux
superficiel et profond a jusque-là été respecté, peut être utilisée
pendant plusieurs dizaines d’années, il arrive assez souvent que
l’on assiste à des complications dont certaines sont dues à un
mauvais état préalable de la veine, d’autres à des particularités
anatomiques de la veine utilisée, d’autres enfin à des ponctions
veineuses malhabiles et traumatisantes généralement expliquées
par un fonctionnement imparfait de la fistule.
_ Infection

L’infection est une complication rare de ces fistules
artérioveineuses simples (sans interposition de prothèse) ;
l’antibiothérapie prophylactique peropératoire a permis de voir
presque disparaître les infections du site opératoire ; les infections
sur points de ponction sont en général bénignes (sauf nécrose
cutanée associée) et accessibles au traitement antibiotique ; les
greffes oslériennes au niveau de la fistule sont exceptionnelles.
_Sténose de l’anastomose
Les sténoses sont les complications les plus fréquemment
rencontrées.
– La sténose de l’anastomose artérioveineuse est habituellement la
conséquence de l’hypertrophie intimale qui survient au niveau des
premiers millimètres ou centimètres de la veine ; elle est causée
par l’importance et le caractère tourbillonnant du flux ; elle est
assez lente à se constituer ; elle est suspectée sur la survenue d’un
débit insuffisant en dialyse ou de difficultés de ponction ; sur les
fistules situées à l’avant-bras, le traitement de choix de cette
sténose est la réfection chirurgicale d’une anastomose sus-jacente à
la précédente : c’est un geste simple en raison de l’augmentation
préalable du calibre des deux vaisseaux ; il permet bien sûr la
reprise immédiate des dialyses ; la récidive de la sténose ne va pas
survenir avant longtemps, à l’inverse de ce que l’on observe après
angioplastie endoluminale ; sur les fistules au coude, cette réfection
d’anastomose n’est guère facile en raison de l’éloignement des
deux vaisseaux (fistule artérioveineuse céphalique) ou des
difficultés qu’il y aurait à mobiliser la veine superficialisée (fistule
artérioveineuse basilique) : c’est donc à l’angioplastie endoluminale
qu’il faudra recourir.
_ Sténose sur point de ponction
Située à distance de l’anastomose artérioveineuse, elle est évoquée
cliniquement devant une augmentation de la pression en amont
de la sténose, confirmée par le doppler et l’angiographie, et traitée
au mieux par l’angioplastie endoluminale.
_ Sténoses d’aval
Elles varient selon le type de fistule.
– En cas de fistule radiale, la sténose au coude est assez fréquente
si les veines superficielles au coude ont été au préalable détruites
par des ponctions répétées ; le drainage est généralement assuré
par la veine perforante du pli du coude qui est parfois de calibre
insuffisant ; en cas d’hyperpression importante, la recanalisation
radiologique d’une veine superficielle du coude est rarement
efficace, la cure chirurgicale également.
– En cas de fistule céphalique, la sténose d’aval se situe au niveau
de la crosse de la veine céphalique ; cette sténose peut être à

l’origine d’une dilatation assez importante de la veine au bras ;
elle peut être accessible à une angioplastie endoluminale prudente ;
le traitement chirurgical par bascule de la veine céphalique sur la
veine basilique ne peut être envisagé que si cette veine basilique
n’est plus accessible à une superficialisation en raison de lésions
préalables qui auraient pu être provoquées notamment par un
pontage huméroaxillaire préalable.
– En cas de fistule basilique avec superficialisation, la sténose
d’aval siège habituellement à la limite supérieure de la
superficialisation, en rapport avec une hypertrophie intimale qui
respecte le segment veineux transposé pour atteindre la veine non
disséquée ; le traitement de cette sténose fréquente mais
heureusement assez tardive est l’angioplastie endoluminale.
_ Sténose veineuse proximale
Elle intéresse la veine sous-clavière et son drainage d’aval ;
particulièrement fréquente après cathétérisme de la veine sousclavière,
actuellement proscrit chez tout patient susceptible d’avoir
recours à l’hémodialyse, elle reste une complication fréquente des
cathétérismes de la veine jugulaire interne ; cette sténose doit être
dépistée avant la création de la fistule, faute de quoi elle se révélera
par un gros bras inesthétique et souvent douloureux ; ces sténoses
sont habituellement accessibles à l’angioplastie endoluminale ; une
dérivation chirurgicale du drainage du membre vers la veine
jugulaire interne, dont il faudra lier le segment céphalique pour
éviter une perfusion intracérébrale à contre-courant, est parfois
nécessaire ; en cas de sténose occlusive une recanalisation
radiologique doit être tentée, parfois suivie de la mise en place
d’un stent (prothèse endoluminale) ; on ne saurait trop insister sur
la gravité des sténoses veineuses proximales rebelles au traitement,
a fortiori lorsqu’elles sont bilatérales.
Les thromboses sont la conséquence des sténoses méconnues. Elles
sont beaucoup plus souvent observées sur les pontages, comme
nous le verrons, que sur les fistules simples. Lorsque cette
thrombose n’intéresse que l’anastomose artérioveineuse ou les
premiers centimètres d’une fistule à l’avant-bras, une réfection de
l’anastomose s’impose ; lorsque cette thrombose anastomotique
survient au coude, et lorsque la thrombose s’étend à la veine, le
meilleur traitement est radiologique : urokinase locale, aspiration
et angioplastie endoluminale.
_ Anévrismes sur fistule artérioveineuse
Ils sont de deux types différents :
– les faux anévrismes sans paroi vasculaire, conséquences d’une
ponction transfixiante de la veine ; ils sont habituellement traités
par évacuation chirurgicale et fermeture de l’orifice vasculaire, plus
rarement par compression dirigée sous contrôle échodoppler ;
– les anévrismes vrais réalisent une dilatation en règle fusiforme
de la veine, associée à une sténose d’aval, un débit élevé ou le plus
souvent une fragilisation de la veine due aux ponctions répétées.
_Nécroses cutanées
Sur microanévrisme sur point de ponction, elles sont une
complication redoutable du fait du risque d’hémorragie massive ;
il faut toujours rechercher une sténose d’aval qui nécessite un
traitement propre, généralement par angioplastie endoluminale ;
une plastie cutanée permet souvent de conserver la fistule.
_ Hauts débits
Les hauts débits sont une complication dont la fréquence est
probablement sous-estimée ; la débitmétrie doppler pulsée en fait

la preuve ; on considère généralement chez l’adulte que le débit
normal d’une fistule distale est de 600 mL/min et de 900 mL/min
en cas de fistule proximale. La réduction par banding est loin
d’avoir fait ses preuves ; en cas de haut débit sur une fistule distale,
la ligature de l’artère proximale ne laissant subsister que
l’alimentation par l’artère distale à contre-courant permet de
réduire le débit de moitié ; en cas de haut débit sur fistule
proximale, nous avons recours à la fermeture de l’anastomose
artérioveineuse au coude suivie de la réalimentation de la veine
par un pontage prothétique branché au poignet sur une artère de
petit calibre ; ce pontage peut être remplacé par une bascule de
l’artère radiale, particulièrement chez l’enfant.
_ Ischémie distale
C’est une complication redoutable qui s’observe particulièrement
en cas de fistule proximale chez les patients diabétiques ; ses
manifestations postopératoires mineures à type de fourmillements
au niveau des doigts céderont souvent rapidement à une
mobilisation très active de la main ; en cas de manifestations
trophiques ou neurologiques un bilan doppler et angiographique
s’impose à la recherche de fistules multiples qu’il faut fermer, de
sténose artérielle d’amont ou d’aval qu’il faut traiter d’urgence, de
haut débit dont la réduction n’est pas toujours suffisante, et enfin
d’artériolite distale devant laquelle on reste désarmé : si la
technique récemment décrite par Haimov (ligature de l’artère en
aval de la fistule pour supprimer le flux rétrograde et pontage
artérioartériel) doit parfois être essayée, il faut se souvenir que la
fermeture d’urgence de la fistule est souvent nécessaire.



Pontages artérioveineux
En l’absence de veine superficielle ou de veine profonde
susceptible d’être superficialisée, force est de recourir à une
prothèse vasculaire, interposée à l’avant-bras ou au bras entre une
artère et une veine ; son trajet sous-cutané très superficiel
autorisera les ponctions ; le matériau utilisé peut être une veine
humaine modifiée, une veine bovine modifiée, une prothèse en
PTFE (polytétrafluoroéthylène) à paroi mince ou renforcée ou une
prothèse en polyuréthane. Les ponctions sont généralement
autorisées entre le dixième et le vingtième jour postopératoire.
– L’infection est suffisamment préoccupante (risque de greffe
valvulaire) pour que l’on recommande l’exérèse de la prothèse.
– Le sérome est une complication propre aux pontages PTFE : il
s’agit d’une filtration de sérum autour des premiers centimètres
juxta-artériels de la prothèse qui a perdu son étanchéité parfois
après des manoeuvres peropératoires provoquant une
hyperpression dans la prothèse ou l’utilisation de bétadine ; le
diagnostic peut être difficile à faire car la tuméfaction
inflammatoire évoque volontiers un processus infectieux ; le
remplacement segmentaire du segment poreux est souvent
possible.
– La sténose de l’anastomose veineuse, par hypertrophie intimale
au niveau de la veine réceptrice, est la complication la plus
fréquente, la plus précoce et la plus grave de ces pontages. C’est

elle qui doit faire préférer au pontage la confection ou la correction
d’une fistule artérioveineuse simple, tant qu’elle est encore
possible. Cette sténose doit être dépistée par l’existence d’une
hyperpression palpable dans le montage, de mauvais résultats de
dialyse, une élévation des pressions de retour ; le doppler peut
aider à chiffrer la sténose ; le traitement de choix est l’angioplastie
endoluminale, qui devra souvent être répétée quelques mois plus
tard ; la mise en place d’un stent peut aider à réduire la fréquence
des angioplasties ; une correction chirurgicale de l’anastomose par
prolongation proximale du pontage peut devenir nécessaire ; la
mise en place d’un nouveau pontage au même site est indiquée en
cas d’anomalies associées de la prothèse ou de sa couverture
cutanée.
La thrombose du pontage est habituellement la conséquence de
cette sténose de l’anastomose veineuse ; le traitement est
radiologique, associant la perfusion locale d’urokinase, la
thromboaspiration et l’angioplastie de la sténose ; le taux de succès
immédiat dépasse 95 % ; en l’absence de telles possibilités
radiologiques, la désobstruction chirurgicale doit être faite par
incision cutanée en regard de l’anastomose veineuse de façon à
associer à la désobstruction par sonde de Fogarty une correction
de la sténose de l’anastomose veineuse.

Cathéters veineux centraux
À la différence des ponctions de la veine fémorale répétées à
chaque séance de dialyse, les cathéters veineux centraux, introduits
par la veine jugulaire interne, directs ou tunnellisés, permettent de
dialyser confortablement le patient en attendant le développement
d’un abord vasculaire artérioveineux. Ils ont par rapport aux
ponctions fémorales itératives et aux abords artérioveineux,
l’énorme défaut d’être à l’origine de sténoses veineuses jugulaires
ou centrales très préjudiciables à l’avenir des abords vasculaires
chez le patient, de dysfonctionnements fréquents et de risques
infectieux.
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Toute référence à cet article doit porter la mention : P Bourquelot, F Raynaud et J Stolba. Abords vasculaires pour hémodialyse. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Angéiologie, 19-4050, 1997, 3 p.