Athérosclérose oblitérante des membres inférieurs


Résumé. – L’athérosclérose est la cause principale des artériopathies oblitérantes des membres
inférieurs. Le tabagisme en est la cause principale. Le diagnostic repose sur l’analyse clinique des
symptômes, complétée par l’échodoppler. L’angiographie numérisée iodée est nécessaire lorsqu’un
traitement artériel direct est indiqué. L’angioscanner et l’angio-IRM deviennent de plus en plus
performants et tendent à la remplacer. La réadaptation par la marche et l’arrêt du tabagisme restent les
deux composantes primordiales du traitement. Les traitements artériels directs : angioplastie
endoluminale et revascularisation chirurgicale, sont surtout indiqués en cas d’ischémie critique. Les
résultats sont meilleurs dans les localisations proximales que dans les oblitérations sous-inguinales. Le
pronostic vital est étroitement lié à l’atteinte athéroscléreuse coronarienne souvent associée.

Mots-clés : athérosclérose, artériopathie oblitérante des membres inférieurs, échodoppler,
angiographie numérisée, angioscanner, angio-IRM, tabagisme, angioplastie
endoluminale.

Introduction
L’athérosclérose est la cause principale des artériopathies
oblitérantes des membres inférieurs. L’affection concerne environ
800 000 patients en France, dont les 2/3 sont symptomatiques.
Chaque année 90 000 nouveaux cas sont dépistés, responsables de
60 000 hospitalisations et de 10 000 amputations. La prévalence est
de 1 % avant 50 ans et de plus de 7 % après 60 ans. Elle est trois
fois plus forte chez l’homme avant 65 ans et identique dans les
deux sexes au-delà de cet âge.
Anatomie pathologique
L’athérosclérose est une lésion focale de l’intima s’opposant
théoriquement à « l’artériosclérose », qui réalise une sclérose de
trois couches de la paroi artérielle. Ces deux pathologies peuvent
s’associer de façon variable. Les lésions d’athérosclérose se
constituent progressivement à partir de dépôts lipidiques
microscopiques de l’intima, puis de stries lipidiques
macroscopiques peu saillantes, pour constituer enfin la lésion la
plus évoluée : la plaque athéromateuse. Celle-ci est constituée
d’une plaque fibrolipidique, formée d’une cavité remplie de
matériel nécrotique lipidique et de cristaux de cholestérol entourée
d’une coque scléreuse souvent calcifiée. Les plaques confluent entre
elles, et peuvent s’ulcérer en laissant échapper des embolies de
cristaux de cholestérol. Elles se recouvrent de caillots
fibrinocruroriques, qui accentuent leur effet sténosant et favorisent

l’occlusion de la lumière artérielle (fig 1). La rupture d’une plaque
peut aussi favoriser l’issue de sang dans la paroi artérielle, réalisant
un hématome disséquant qui accentue la sténose et peut provoquer
une occlusion aiguë, en particulier sur les artères de petit calibre.
Les segments artériels les plus concernés par l’athérome sont les
artères de gros et moyen calibre, notamment la bifurcation
aortique, l’origine des artères iliaques interne et externe, le
carrefour fémoral, la jonction fémoropoplitée et l’origine des artères
de jambe.
Pathogénie
Les cellules impliquées dans le développement de la plaque sont
les cellules endothéliales, les macrophages, les cellules musculaires
lisses et les lymphocytes. Cependant, le mécanisme du
développement de l’athérome reste inconnu. La variété des
hypothèses avancées : lipidique, traumatique, inflammatoire,
immunologique et même virale [4] illustre bien notre ignorance de
la pathogénie précise de cette affection.

Physiopathologie
Le développement des plaques d’athérome, associé à des degrés
divers à l’artériosclérose, entraîne une réduction progressive de la
lumière artérielle circulante. Parallèlement, la circulation collatérale
de suppléance se développe et maintient le débit artériel d’aval. Le
rôle des artères « nourricières » est très important à cet égard,
notamment les artères hypogastriques et fémorales profondes. La
collatéralité peut être suffisante pour éviter tout symptôme
ischémique. Elle peut être insuffisante au-delà d’un certain effort,
expliquant le phénomène de la claudication intermittente.
L’ischémie critique ou les troubles trophiques distaux sont liés au
développement d’oblitérations à plusieurs niveaux, ainsi qu’à
l’atteinte des collatérales ou la survenue de migrations emboliques.
L’occlusion aiguë d’une artère principale peut provoquer une
ischémie aiguë, dont l’évolution dépend du degré de
développement préalable des collatérales.
Symptomatologie
L’artériopathie peut être totalement asymptomatique, et
découverte lors d’un examen systématique.
La claudication intermittente est le symptôme révélateur le plus
fréquent, témoin d’une ischémie d’effort des membres inférieurs.
Elle se caractérise par un arrêt de la marche provoqué par une
douleur à type de crampe dans le mollet survenant après une
certaine distance. La douleur disparaît à l’arrêt et se reproduit pour
un périmètre fixe. L’intensité de celle-ci est variable ainsi que son
siège : elle peut intéresser les lombes, les fesses, les cuisses ou les
pieds. La douleur a une certaine valeur localisatrice de l’atteinte
artérielle qui est toujours plus proximale que celle-ci. Le périmètre
peut varier selon la pente, la température extérieure, la digestion.
L’aggravation de l’ischémie se traduit par une réduction du
périmètre de marche.
Les douleurs de décubitus au niveau du pied ou de la jambe
surviennent lorsque le patient est allongé, et sont soulagées par la
position « jambes pendantes » qui entraîne un oedème de stase
aggravant l’insuffisance circulatoire.
Les troubles trophiques témoignent d’une ischémie permanente
engendrant une nécrose tissulaire. La gangrène intéresse les
extrémités , elle est spontanée ou provoquée par un
traumatisme, elle débute au niveau de la pulpe et s’étend plus ou
moins en amont. Les tissus prennent une couleur sombre puis
noire et deviennent douloureux, sauf en cas de neuropathie
associée. De « sèche », elle peut devenir « humide » en cas de
surinfection
Les ulcères ischémiques, souvent douloureux siègent sur le pied,
souvent sur une zone d’appui ou sur la jambe. Leur fond est atone,
leur taille variable

La notion d’ischémie critique vient compléter cette description
clinique classique, et se définit par l’existence de douleurs de
décubitus ou de troubles trophiques associés à une chute des
pressions systoliques au-dessous de 50 mmHg à la cheville ou de
30 mmHg au niveau des orteils [11].
Examen clinique
L’examen clinique confirme le diagnostic que le simple
interrogatoire à lui seul a souvent permis de porter.
L’interrogatoire recherche en outre des facteurs favorisants de
l’athérome : antécédents artériels familiaux, tabagisme, troubles du
métabolisme lipidique ou glucidique, hypertension, sédentarisme.
L’inspection recherche des signes d’insuffisance artérielle : une
amyotrophie, des poils rares, des ongles secs et cassants, une peau
sèche et fissurée, notamment au niveau du talon (rhagades) (fig 5)
sont des signes évocateurs d’une hypovascularisation chronique.
Un pied pâle et froid, des veines plates témoignent d’un déficit
artériel déjà sévère.
La palpation comparative des pouls fémoraux, poplités, pédieux
et tibiaux postérieurs peut montrer leur abolition ou leur

diminution d’intensité, ce qui permet de situer le niveau des
oblitérations. Elle recherche en outre l’induration ou la dilatation
anévrismale d’une artère, notamment aortique ou poplitée, qui
peut être associée.
L’auscultation des artères, de l’aorte aux genoux recherche un
souffle témoin d’une sténose sus- jacente.

Examens complémentaires
EXAMENS BIOLOGIQUES
Les examens biologiques précisent les facteurs de risques :
hyperglycémie, hypertriglycéridémie, hypercholestérolémie
portant surtout sur la fraction low density lipoprotein (LDL),
hyperuricémie, hyperviscosité sanguine (polyglobulie,
hyperplaquettose, hyperfibrinémie), hyperhomocystéinémie.
PRISE DES PRESSIONS
La prise des pressions systoliques au niveau des artères de
chevilles à l’aide d’un doppler de poche, complète l’examen
clinique. Leur valeur rapportée à celle de l’artère humérale définit
un index de pression de 1,05 ± 0,04. Une valeur inférieure à 0,90
est un signe d’oblitération artérielle, et une valeur inférieure à 0,55
montre la gravité de l’ischémie [1, 3]. Une épreuve d’effort peut
sensibiliser l’examen. La mesure est sans valeur en cas d’artère
calcifiée qui ne se laisse pas comprimer. La pression systolique
digitale peut être mesurée par pléthysmographie sur le gros orteil.
Une pression inférieure à 30 mmHg signe l’ischémie critique [5].
DOPPLER CONTINU
Le doppler continu permet de localiser les sténoses et occlusions
artérielles d’après la qualité du signal sonore et de la courbe
enregistrée. Il apprécie la qualité de la revascularisation sousjacente
par les collatérales.
L’échographie couplée au doppler pulsé apprécie l’état de la paroi
artérielle et de son contenu, précisant l’aspect des parois, lisses ou
ulcérées, calcifiées ou non, ainsi que la présence de thrombi
éventuels ou de matériel hétérogène emboligène. Elle dépiste une
ectasie associée (présente au niveau de l’aorte abdominale chez 10
à 20 % des artéritiques).
Une radiographie osseuse est utile en cas de troubles trophiques, à
la recherche d’une ostéoarthrite. Elle montre aussi les artères
calcifiées.
MESURE TRANSCUTANÉE
DE LA PRESSION ARTÉRIELLE
La mesure transcutanée de la pression partielle d’oxygène (TCPO2)
sensibilisée par une inhalation d’oxygène de quelques minutes,
permet d’établir un pronostic local, péjoratif au-dessous de
40 mmHg.
Ces divers examens permettent de préciser le siège des
oblitérations artérielles, et de déterminer si l’atteinte prédominante
est de siège sus- ou sous-inguinal, l’incidence thérapeutique de
cette donnée étant primordiale. L’association d’une atteinte à
plusieurs niveaux est possible, mais le traitement de l’oblitération
proximale prédomine toujours.
OPACIFICATION ARTÉRIELLE
Une opacification artérielle de l’aorte et des artères des membres
inférieurs est indispensable chaque fois qu’un traitement artériel
direct est envisagé.
_Artériographie numérisée
L’artériographie numérisée par injection artérielle de produits
iodés reste l’examen de référence, contre-indiqué en cas d’allergie
à l’iode ou d’insuffisance rénale. Elle est effectuée le plus souvent
par voie fémorale et, en cas d’impossibilité, par voie humérale
voire radiale. Après anesthésie locale et ponction artérielle, un
guide puis un cathéter sont mis en place dans l’aorte abdominale.
L’examen doit permettre de voir l’aorte abdominale, les artères
rénales et les artères digestives (clichés de l’aorte de face et de
profil), les artères iliaques et fémorales communes (clichés de face,
et oblique antérieur droit et gauche), ainsi que la totalité des artères
sous-inguinales y compris des arcades plantaires. La surveillance
de la diurèse et de la fonction rénale 48 heures après l’examen est
souhaitable chez les malades à risques : malades âgés, déshydratés,
insuffisants rénaux, diabétiques. La préparation des malades
diabétiques ou à fonction rénale altérée par Mucomystt et
hyperhydratation semble limiter les risques d’altération de la
fonction rénale.
Résultats
Les calcifications vasculaires sont bien vues après soustraction
numérique.
Les sténoses se traduisent par des rétrécissements et des images
d’atténuation de tonalité bien appréciées par les incidences
multiples, et considérées comme significatives au-delà de 75 % en
surface (fig 6). Une occlusion se traduit par un segment non
opacifié, la qualité des collatérales de suppléance et de leur
réentrée dans le chenal principal est appréciée (fig 7, 8). À ces
lésions peuvent s’associer des images d’addition, correspondant à
des lésions ulcérées ou ectasiantes plus ou moins thrombosées.
Produits de contraste alternatifs
En cas de contre-indication des produits de contraste iodés, on peut
utiliser le CO2 ou le gadolinium.

Le CO2 est utilisable en veillant à surélever le territoire à explorer.
Cependant, la qualité de l’image obtenue est souvent médiocre, le
bolus de CO2 se fragmente rapidement, et la visualisation de toutes
les branches est inconstante. À l’inverse, la méthode est très
sensible pour la recherche d’une fistule artérioveineuse.
Le gadolinium est utilisable en intra-artériel. Il est moins radioopaque
que les produits de contraste iodés habituels.
L’échographie endovasculaire et l’angioscopie restent de pratique
exceptionnelle.

Les méthodes non invasives tendent à se substituer à
l’angiographie par cathétérisme.
_Angio-IRM (ARM)
L’angiographie par résonance magnétique (ARM) obtenue après
injection intraveineuse de gadolinium est performante,
particulièrement pour rechercher une anomalie aorto-iliaque. Elle
peut être insuffisante pour quantifier les sténoses sur les artères
distales ou parfois sur les artères rénales. Les calcifications et la
thrombose pariétale ne sont pas visibles. Elle est contre-indiquée
chez les porteurs de stimulateurs cardiaques, et les prothèses de
hanche ou de genou génèrent des artefacts avec des zones
aveugles.
_ L’angioscanner spiralé 
Effectuée après injection intraveineuse de produits de contraste
iodé, cette méthode nécessite un scanner multidétecteur récent et,
au prix d’un travail de reconstruction assez long, donne de bonnes
images artérielles. Elle permet de voir les calcifications, le
thrombus pariétal, la lumière circulante et ses anomalies. Les très
fortes calcifications peuvent empêcher une analyse précise de la
lumière. Les artères de moins de 2 mm et les collatérales ne sont
pas bien visualisées. Les doses d’irradiation sont parfois élevées.

Évolution
Plusieurs éventualités sont possibles [10].
Parfois les symptômes disparaissent spontanément, ce qui
témoigne du développement d’une bonne circulation de
suppléance.
La claudication intermittente peut se stabiliser et être compatible
avec les besoins du patient. À l’inverse, l’évolution peut se faire
vers l’ischémie critique et les troubles trophiques. Une ischémie
aiguë peut se produire, parfois inaugurale. Elle peut menacer
rapidement la vie du membre, ou régresser rapidement vers un
stade d’ischémie d’effort plus ou moins sévère. Schématiquement,
sur 100 claudicants, 25 s’aggravent, 10 nécessitent une intervention
chirurgicale, deux subissent une amputation majeure, et 20 font un
accident cardiovasculaire non mortel dans les 5 ans, 30 décèdent
dans les 5 ans dont 15 d’un accident coronarien, cinq d’un accident
cardiovasculaire d’une autre nature, et 10 d’une cause non
cardiovasculaire. Le pronostic vital est donc plus mauvais que le
pronostic local au stade de claudication. À l’inverse, au stade
ischémique critique, 20 % subissent une amputation d’emblée et
25 % un an plus tard, 20 % décèdent dans l’année et 50 % décèdent
à 5 ans, 50 % des amputés sont décédés à 3 ans et 75 % à 5 ans,
surtout du fait de complications coronariennes.
Formes cliniques
LOCALISATIONS PARTICULIÈRES
L’occlusion de la bifurcation aortique peut se traduire par un
syndrome de Leriche défini par une pâleur, une fatigabilité des
deux membres inférieurs, une érection instable et une abolition des
pouls fémoraux.
La sténose de la bifurcation aortique se traduit souvent par une
claudication large, des pouls fémoraux présents et des pressions
distales de bonne qualité, mais dont la particularité est de
s’effondrer à l’effort.
La sténose peut aussi siéger à la partie moyenne de l’aorte sousrénale
où elle revêt souvent un aspect bourgeonnant irrégulier et
calcifié, ces sténoses concernent souvent les jeunes femmes très
tabagiques.
ARTÉRITE DIABÉTIQUE
Le diabète est présent chez 20 % des artéritiques. L’artérite est
10 fois plus fréquente chez les diabétiques que dans la population
générale. Histologiquement, il s’agit d’une artérite athéromateuse
associée à des degrés divers à l’artériosclérose, et l’infiltration
calcaire de la média (médiacalcose) est fréquente. L’atteinte
artérielle peut intéresser n’importe quel gros tronc, mais elle
prédomine sur les artères fémoropoplitées, jambières et
plantaires [15]. Les troubles trophiques sont fréquents du fait de
l’atteinte artériolaire et capillaire, ainsi que de la neuropathie
associée. La gangrène est souvent peu algique et surinfectée. Le
diabète multiplie par cinq à six le risque d’amputation par rapport
aux artéritiques non diabétiques. Des exérèses limitées sont
cependant susceptibles de cicatriser si l’infection et le diabète sont
bien traités [20].
ARTÉRITE EMBOLIGÈNE
Des migrations emboliques de caillots, de fibrine ou de cholestérol,
peuvent se produire à partir de plaques ulcérées de l’aorte (y
compris dans son segment thoracique), des artères iliaques, voire
des artères fémorales. Ces emboles peuvent passer inaperçus, ou
se manifester par des petites taches plantaires purpuriques ou un
orteil bleu ou encore un livedo. Ces migrations risquent de détruire
le lit d’aval et peuvent, après plusieurs épisodes, rendre toute
vascularisation impossible. De telles manifestations, associées à des
pouls encore présents à la cheville, doivent faire effectuer une
artériographie de l’ensemble de l’arbre artériel. Ce type
d’artériopathie n’est pas à proprement parler une artériopathie
oblitérante, mais elle peut y être associée et/ou la favoriser.
Diagnostic différentiel
Le diagnostic différentiel se pose différemment selon les
symptômes.
Au stade de claudication, la claudication dite « médullaire » en
rapport avec un canal lombaire étroit se manifeste par une gêne à
la marche, peu douloureuse, accompagnée d’engourdissement des
cuisses et des jambes. Le diagnostic repose sur le scanner lombaire,
mais l’association avec une authentique artériopathie n’est pas rare.
La claudication veineuse est rare, et survient dans un contexte de
séquelles de phlébites majeures, elle s’améliore plutôt avec la
marche.
Au stade des troubles trophiques, l’angiodermite nécrotique réalise
de vastes plages cutanées noires, véritables infarctus cutanés
superficiels très douloureux et extensifs. Elle s’observe chez les
patients âgés, souvent diabétiques et hypertendus. L’évolution est
caractéristique : après excision de la nécrose superficielle, les plans
sous-jacents, bien vascularisés, bourgeonnent rapidement, et la
cicatrisation est obtenue sans revascularisation.
Le diagnostic avec les autres artériopathies se pose différemment
selon le contexte et l’âge.
Chez les sujets jeunes, les artériopathies distales doivent faire
discuter la maladie de Buerger, associant atteintes artérielle et
veineuse, et dont l’évolution est parallèle au tabagisme constant et
important. L’artère poplitée piégée due à une compression
extrinsèque de l’artère poplitée par une anomalie musculaire ou
tendineuse, se traduit par une sténose, un anévrisme poststénotique
et des migrations emboliques qui simulent une
artériopathie jambière. Les artériopathies proximales peuvent faire
discuter une coarctation de l’aorte abdominale, une dysplasie
fibromusculaire, ou, chez un grand sportif, une endofibrose. Les
kystes adventiciels peuvent simuler un athérome localisé,
l’échographie lève le doute.
Dans un contexte de maladie inflammatoire, peut se discuter
éventuellement une maladie de Horton ou de Takayashu.

Traitements
Le traitement a plusieurs objectifs :
– traiter les symptômes ;
– traiter les facteurs étiologiques pour éviter l’extension de la
maladie et l’apparition d’ischémie dans d’autres territoires.
TRAITEMENT MÉDICAL
Le traitement médical est indispensable dans tous les cas. Il
comporte plusieurs volets. Seul est envisagé ici le traitement des
oblitérations chroniques, celui des oblitérations aiguës étant traité
ailleurs.
_ Traitement des facteurs de risques
et règles hygiénodiététiques
L’arrêt du tabac est la première mesure à préconiser. Il peut suffire
à allonger le périmètre de marche, augmenter les pressions distales,
et il accroît le taux de perméabilité des gestes de revascularisation.
La prise en charge de l’arrêt du tabac doit être globale, et se fait au
mieux dans le cadre de consultations spécialisées. La correction
des troubles métaboliques : celle de l’hyperlipidémie et du diabète
est essentielle. L’hypertension doit être traitée sans excès, les
bêtabloquants ne sont pas contre-indiqués sauf en cas d’ischémie
sévère [19].
L’hyperhomocystéinémie doit être corrigée par l’acide folique et la
vitamine B.
La réadaptation par la marche régulière, sans forcer quand la
douleur apparaît, est essentielle à raison de 2 à 3 km par jour. Elle
n’est contre-indiquée qu’en cas de trouble trophique. Cette
réadaptation est au mieux prise en charge dans des centres
spécialisés.
Les mycoses des orteils, les traumatismes des pieds et des orteils,
les actes de pédicurie agressifs, et l’appui prolongé des talons sont
évités.
_ Médicaments antithrombotiques [16]
Ces traitements visent à éviter ou à limiter la thrombose, voire à la
réduire.
Traitements antiagrégants plaquettaires
– L’aspirine n’améliore pas la claudication intermittente, elle a un
rôle discuté sur la perméabilité des pontages, mais prévient
significativement l’ischémie myocardique et cérébrale chez les
artéritiques traités.
– La ticlopidine et le clopidogrel auraient une action bénéfique sur
la claudication. Ces antiagrégants doivent être interrompus 8 jours
avant une intervention chirurgicale.
– Les antivitamines K n’ont pas d’action bénéfique sur
l’artériopathie. Elles améliorent la perméabilité des pontages sousinguinaux
avec des risques hémorragiques accrus.
– L’héparinothérapie est réservée aux traitements des ischémies
subaiguës ou aiguës, où son rôle est d’éviter l’extension de la
thrombose.
– La fibrinolyse n’a guère d’indication dans les oblitérations
chroniques.
– Les prostanoïdes, utilisés en perfusion intraveineuse, ont des
effets vasodilatateur et antiagrégant puissants mais transitoires. Ils
ont une action antalgique, et semblent aider la cicatrisation dans
les ischémies sévères lorsque les autres traitements sont
impossibles [13].
Traitements vasodilatateurs et antalgiques
– Les vasodilatateurs ont une efficacité prouvée par des études
contrôlées, dont la méthodologie a pu être discutée [6]. Ils sont
utilisés par voie intraveineuse dans l’ischémie critique.
– L’hémodilution normovolémique peut avoir une action
antalgique transitoire.
– La stimulation électrique péridurale par l’intermédiaire d’une
pile implantable a une efficacité diversement appréciée et encore à
valider.
– La sympathectomie lombaire peut avoir un effet bénéfique sur
les douleurs de décubitus ou sur les ulcères douloureux, elle n’a
pas d’effet sur la claudication intermittente ni sur la gangrène
distale. Elle peut être chirurgicale ou chimique percutanée, ses
indications actuelles sont rares.
– Quant à la thérapie génique, ses résultats encourageants sur la
vascularisation myocardique seront sans doute à l’avenir
transposables à la vascularisation des membres inférieurs.
_ Traitement des troubles trophiques
Soins locaux
Les soins doivent être adaptés à chaque stade de la cicatrisation.
Au stade de la nécrose, la détersion est nécessaire : elle comporte
l’excision des tissus nécrotiques, au ciseau ou au bistouri, au lit ou
en salle d’opération, selon l’étendue des lésions. Elle doit être
effectuée au minimum, après administration d’antalgiques
puissants ou mieux, sous anesthésie locale (pulvérisation, crèmes
ou injection), ou sous anesthésie locorégionale, rarement sous
anesthésie générale. Crèmes et pommades sont évitées, et les
pansements hydrocolloïdes préférés. Le bourgeonnement est
favorisé par les corps gras, contre-indiqués en présence d’infection.
L’épidermisation peut être facilitée par des greffes cutanées en
résille ou en pastilles, ces dernières pouvant être mises en place
sous anesthésie locale.
Soins généraux
Un régime hypercalorique est essentiel à la cicatrisation, au besoin
par sonde de nutrition entérale nasogastrique.
L’antibiothérapie adaptée aux prélèvements locaux, n’est indiquée
qu’en présence d’une infection focale ou générale.
TRAITEMENTS ENDOVASCULAIRES
L’angioplastie endoluminale par ballonnet est la méthode la plus
utilisée. Elle permet de dilater une sténose artérielle à des pressions
qui peuvent atteindre 15 à 20 bars. Afin de recoller la dissection
traumatique ou de limiter le retour élastique de la sténose, on met
souvent en place une endoprothèse métallique ou stent. Ce stent
est soit autoexpansif soit sur ballonnet (fig 11, 12). Pour traiter
certaines lésions emboligènes ou anévrismales associées aux
sténoses, on peut utiliser des stents couverts de polytétrafluoroéthylène
expansé (PTFE) ou de polyuréthane.
Les médicaments utilisés lors des procédures endovasculaires ont
pour but de limiter les risques de complications
thromboemboliques immédiates, et de réduire les resténoses des
angioplasties. Ce sont surtout les héparines et les antiagrégants
plaquettaires. Des tentatives sont en expérimentation pour tenter
de limiter le risque de resténose : la brachythérapie endovasculaire,
l’utilisation de stents recouverts d’antimitotiques…
Les résultats des revascularisations endoluminales sont favorables
pour les angioplasties iliaques avec endoprothèse, dont la
perméabilité à 5 ans est de l’ordre de 85 %, comparable aux
revascularisations chirurgicales. Les angioplasties fémoropoplitées
ont une perméabilité à 2 ans plus faible, allant de 20 % pour les
lésions supérieures à 7 cm, à 70 % pour les lésions inférieures à
4 cm, mais l’angioplastie peut être itérative avec une perméabilité
secondaire voisine de 75 %.
La resténose reste une des limitations les plus importantes des
angioplasties. Elle survient surtout au cours des 6 premiers mois.
Faible à l’étage iliaque, elle est croissante vers la distalité, malgré
l’utilisation d’endoprothèses.

Les complications générales sont rares. Le risque infectieux lié aux
endoprothèses impose une prévention identique à celle de la pose
des prothèses chirurgicales.
REVASCULARISATION CHIRURGICALE.
La chirurgie comprend essentiellement les endartériectomies et les
pontages.
_ Endartériectomies
L’endartériectomie consiste à supprimer les lésions athéromateuses
par clivage de la paroi, laissant en place l’adventice et quelques
fibres de la média. Elle peut se faire à ciel ouvert par une seule
incision couvrant toute la lésion (fermée directement ou sur un
patch), ou par plusieurs incisions séparées, ou encore par
retournement. Dans ce dernier cas, l’artère est totalement
sectionnée et éversée sur elle-même, puis remise en place après
vérification de la paroi traitée. L’endartériectomie, techniquement
exigeante, a été délaissée dans l’ensemble au profit des dilatations
endoluminales pour les lésions courtes, et au profit des pontages
pour les lésions diffuses, bien que les résultats tardifs des deux
méthodes soient comparables dans les lésions aorto-iliaques. La
quasi-absence de risque septique et le moindre coût sont à mettre
à l’actif de l’endartériectomie [18].
_Pontages
Les pontages sont des conduits implantés en zone saine de part et
d’autre de la zone oblitérée. Dans les lésions aorto-iliaques, sont
utilisées essentiellement des prothèses synthétiques (dacron ou
PTFE) dont les calibres sont adaptés aux pontages entre l’aorte et
les artères iliaques ou les artères fémorales au triangle de Scarpa.
Le taux de perméabilité tardive de ces pontages est de 85 à 90 % à
10 ans [9]. Dans les lésions sous-inguinales, le meilleur matériau est
la veine saphène inversée ou in situ (après destruction du jeu
valvulaire), assurant pour les pontages fémoropoplités une
perméabilité de 65 % à 75 % à 5 ans, qu’ils s’implantent au-dessus
ou au-dessous de l’articulation du genou. À l’inverse, les prothèses
ont une grande différence de perméabilité secondaire et tardive
selon qu’elles passent ou non l’interligne du genou, respectivement
30 à 40 % contre 50 % à 60 %, à 5 ans [2, 24].
L’implantation distale des pontages veineux peut se situer sur une
artère distale au niveau de la jambe voire du pied dans les
sauvetages de membres.
Les pontages peuvent être placés dans le lit de l’artère native en
position dite « anatomique », ou à distance, en position « extra-

anatomique », soit pour éviter une zone septique ou radique, soit
pour éviter l’ouverture abdominale sur les terrains à risque. Ainsi,
une lésion aorto-iliaque peut être traitée par un pontage souscutané
axillofémoral ou bifémoral, une lésion iliaque unilatérale
par pontage croisé fémorofémoral, avec un très bon taux de
perméabilité tardive dans les deux cas [21].
De nouvelles méthodes moins invasives par minilaparotomie
vidéoassistée ou par laparoscopie intégrale sont maintenant
possibles dans des cas bien sélectionnés.
_Techniques mixtes chirurgicales
et endovasculaires [12]
Les méthodes chirurgicales classiques et les méthodes
endovasculaires ne s’opposent pas, et peuvent être associées avec
profit.
L’association d’une endartériectomie de la bifurcation fémorale et
d’une dilatation endoluminale iliaque, peut être une alternative
peu agressive à un pontage aortofémoral en présence de lésions
iliofémorales. De même, un pontage aortobifémoral peut être
associé à une dilatation endoluminale de l’artère fémorale
superficielle, ou à l’inverse un pontage fémoropoplité peut être
effectué en complément d’une dilatation endoluminale iliaque.
_Pontage et transfert libre de lambeaux musculaires
Un pontage distal peut être associé à un transfert de lambeaux
cutanés ou musculaires, avec anastomose microchirurgicale en cas
de troubles trophiques graves du pied [22].
_Amputations
La gangrène distale impose une amputation. Environ
60 000 amputations sont effectuées en France chaque année, mais
leur gravité varie considérablement selon le niveau de l’exérèse.
Tout doit être tenté pour garder l’appui au niveau du pied et à
tout le moins l’articulation du genou. Les revascularisations,
parfois très distales, ont pour but de garder l’appui du pied en
limitant l’exérèse à un orteil ou à l’avant-pied (amputation
transmétatarsienne). Lorsqu’une amputation du pied s’impose, le
but de la revascularisation est de conserver le genou, qui permet
un meilleur appareillage, mieux toléré au plan cardiaque, qu’une
amputation de cuisse [23].
INDICATIONS THÉRAPEUTIQUES
_Artérite asymptomatique
Les lésions asymptomatiques témoignent de bonnes suppléances
qui doivent être respectées, ce qui contre-indique tout geste artériel
direct. Cependant, comme dans tous les autres cas, le traitement
des facteurs de risques est essentiel pour limiter la progression de
la maladie athéromateuse.
_ Artérite symptomatique
Les indications thérapeutiques dépendent de plusieurs données :
la nature des symptômes, le terrain, les besoins
socioprofessionnels, la nature des lésions artérielles : leur siège,
leur étendue, l’état du lit artériel « d’aval ».
Claudication intermittente
Plus de 75 % des claudicants n’observent aucune aggravation de
leurs symptômes et ne nécessitent pas de geste invasif [8].
Cependant, la claudication qui entraîne une gêne socioprofessionnelle
ou une limitation des activités doit être traitée si
les lésions sont facilement accessibles, par un geste efficace et
durable tel que la dilatation d’une sténose iliaque serrée. Dans les
lésions sous-inguinales, les indications sont plus restreintes pour
deux raisons [7, 14]. D’une part, le traitement « médical » est le plus
souvent efficace, d’autre part, les revascularisations ont un effet
moins sûr et moins durable que dans les lésions proximales. Il faut
se rappeler que l’augmentation du nombre de dilatations
endoluminales observées les dernières années n’a pas fait décroître
le nombre d’amputations, et que leur coût est important.
Une minorité de patients claudicants s’aggrave et doit
impérativement être angiographiée, dans l’intention d’un geste
artériel direct.
Ischémie critique
En cas d’ischémie critique, une angiographie est nécessaire,
comportant la totalité de l’arbre artériel depuis l’aorte jusqu’aux
pieds inclus. Une revascularisation est effectuée chaque fois que
possible. Les dilatations ou recanalisations endoluminales sont
toujours privilégiées quand elles s’adressent aux lésions
segmentaires. Les indications des traitements à double étage,
iliaque et fémoral superficiel par exemple doivent être restreintes,
le traitement de la lésion la plus proximale étant souvent suffisant.
Lorsqu’un geste chirurgical s’impose du fait de l’étendue des
lésions, les techniques de revascularisation sont choisies en
fonction du risque opératoire. Ainsi, les pontages axillofémoraux
permettent de traiter des lésions aorto-iliaques chez de grands
insuffisants respiratoires.
L’éventail des techniques d’anesthésie et des moyens de
revascularisation réduit les contre-indications d’ordre général. Les
revascularisations carotidiennes ou coronariennes peuvent être
cependant indiquées avant le geste périphérique. L’état du « lit
d’aval », c’est-à-dire des artères situées au-dessous des zones
oblitérées, conditionne en grande partie le taux de perméabilité des
revascularisations. Plus la menace de perte du membre est grande,
et plus les tentatives de revascularisation distale ou sur lit d’aval
« limite » sont envisageables.
L’oblitération secondaire d’un geste de revascularisation ne se
traduit pas toujours par un échec, la circulation collatérale ayant
pu se développer pour passer le cap critique.
Conclusion
L’athérosclérose des membres inférieurs peut menacer la vitalité d’un
membre, mais c’est surtout une des localisations d’un processus grave
par ses autres cibles, coronarienne et cérébrale. Le principal objectif
réside à l’heure actuelle dans la prévention de l’affection qui est
étroitement liée au tabagisme et aux troubles du métabolisme lipidique
et glucidique. Les traitements endovasculaires et chirurgicaux
permettent de limiter le nombre d’amputations invalidantes, mais il
est possible que des méthodes d’avenir comme la thérapie génique
permettent d’élargir l’arsenal thérapeutique. Cependant, quels que
soient les traitements, l’artérite n’est jamais guérie, le traitement
médical est nécessaire ainsi qu’un suivi régulier des patients, pour
s’assurer de la qualité du contrôle de facteurs de risques, vérifier la
perméabilité des zones revascularisées éventuelles et dépister d’autres
localisations de l’athérome.

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François Bacourt : Professeur, service de chirurgie vasculaire.
Denis Foster : Docteur, département d’imagerie.
Eric Mignon : Docteur, département d’imagerie.
Hôpital américain de Paris, 63 boulevard Victor-Hugo, 92202 Neuilly-sur-Seine cedex, France.
1 Plaque d’athérome aortique (endartériectomie).
Thrombose superficielle
dans les anfractuosités de la plaque.
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 19-1510
19-1510
Toute référence à cet article doit porter la mention : Bacourt F, Foster D et Mignon E. Athérosclérose oblitérante des membres inférieurs. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits